Vincent Prieur
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Vincent Prieur est plasticien, professeur d’Arts plastiques, militant associatif. Son interview a été réalisée pour la Biennale de Design de Saint-Etienne le 04 Février 2017 par Sylvia Fredriksson et Aurélien Marty.
Ma première expérience des tiers-lieux s’est déroulée dans un squat d’artiste. À la fin de mes études en arts plastiques, je cherchais un espace de travail. Et, à Paris, les espaces sont rares et chers... Le seul lieu que j’ai trouvé pour travailler, via des amis, était une ancienne usine de la CERNAM occupée illégalement par un collectif d’artistes. C’était un squat. J’y ai installé mon petit atelier.
Mais j’y ai découvert des choses auxquelles je ne m’attendais pas: tout un monde associatif, toute une manière de penser et d’expérimenter la ville. J’y ai rencontré des gens très attachants. J’ai découvert d’autres disciplines artistiques et des univers socio-professionnels que je n’aurais jamais rencontrés dans un monde très sectorisé et spécialisé. J’y ai vraiment appris à m’ouvrir et à découvrir la pluralité. Au-delà de ça, j’y ai appris des choses très techniques sur l’organisation d’un espace : monter un tableau électrique, remettre l’eau dans un bâtiment… Et puis faire vivre le lieu pour y accueillir plein de projets différents : des associations, d’autres artistes, des compagnies de théâtre, des porteurs de projets en manque d’espaces à Paris. Je me suis mis à m’investir dans ce projet associatif. C’était très enrichissant.
Après quelques années, nous avons développé notre propre association. Nous nous sommes lancés dans nos propres occupations temporaires, nos propres squats. J’y ai découvert d’autres choses étonnantes. Et notamment un rapport assez inédit avec les pouvoirs publics, et avec la police, qui est en général le premier interlocuteur dans le cas d’occupation illégale de bâtiment. Puis après, toutes les personnes qui interviennent sur une procédure juridique qui concerne des occupants sans droits ni titres, des squatteurs : la préfecture de police, les avocats, les propriétaires. J’ai appris à dialoguer avec toutes ces entités, ce dont je ne m’attendais pas du tout.
Après nous avons créé notre propre association, pour gérer nos propres lieux. Nous avons eu une série de squats, pendant plusieurs années. Puis nous avons eu la chance de voir notre travail reconnu par la Ville de Paris, qui nous a proposé des conventions d’occupation temporaire dans des bâtiments en attente de réhabilitation ou de réfection.
Le principe de ces conventions est d’occuper un bâtiment avant que des travaux n’y interviennent. Ces temps d’occupation nous permettent d'accueillir des projets artistiques, de participer à la vie de quartier, et d’avoir des espaces accessibles pour travailler.
Nous sommes même allés plus loin, après, puisque l’association s’est professionnalisée. Nous avons défendu sur un marché public tout ce que nous avions expérimenté et imaginé dans ces lieux temporaires, et nous animons maintenant un équipement culturel de la Ville de Paris dédié à l’accueil de la jeune création artistique.